Cette tête de Bouddha en
grès rouge piquetée de blanc date du Ve siècle après Jésus-Christ. Elle figure
en couverture de l’album de l’exposition « L’âge d’or de l’Inde classique –
l’empire des Gupta » à Paris au Grand Palais, le premier semestre 2007.
Mon regard est
immédiatement attiré par l’élégante netteté du tracé des yeux, des sourcils, de
la bouche.
Le nez droit aux lignes parfaites s’épanouit en deux
narines bien dessinées.
Les yeux mi-clos qui gonflent les paupières entrouvertes regardent vers l’intérieur, dans une concentration étonnamment sereine. Tranquillement solennel, le Bouddha médite.
Le moutonnement régulier des cheveux bouclés qui couvrent le crâne adoucissent cette figure austère.
Deux lobes d’oreilles pendants encadrent le visage et contrastent avec sa rondeur dense et lisse. Distendus et vides, ils portent témoignage des bijoux et fastes princiers auxquels le Bouddha a renoncé.
Le chignon au sommet de la tête, les trois lignes qui traversent le cou complètent les signes qui marquent une représentation du fondateur du bouddhisme.
La présence subtile, l’harmonie puissante qui émanent de cette statue me saisissent.
D’où vient ce sentiment d’étrangeté paisible ?
Je ne me sens plus un Occidental curieux d’art exotique mais le visiteur d’un temple invisible.
Ce visage de pierre me rappelle la présence physique monumentale de tant de statues égyptiennes ou assyriennes anciennes. Son impassibilité énigmatique éveille de nombreux échos dans l’antiquité méditerranéenne.
Alors, les Grecs ont voulu faire prendre à l’esprit
son envol, le libérer des pesanteurs de la matière, parfois l’affranchir du
corps.
Depuis lors, les plus virtuoses des sculpteurs nous fascinent en faisant surgir des matières les plus dures, lourdes, immobiles – marbre comme bronze
La fragilité des corps, la délicatesse des chairs,
La légèreté du mouvement,
La force des émotions, la subtilité des sentiments,
l’évanescence des rêves,
la fugacité de l’instant.
Mais là, nous sommes devant
la figure indienne du fondateur d’une religion qui enseigne l’impermanence. Et
j’y vois
L’épanouissement
paisible de la matière et du corps,
La douceur émanant d’une sobre compacité,
Une spiritualité dépouillée émergeant naturellement de la sensualité
L’unité profonde du corps et de l’esprit.
Je découvre dans cette tradition indienne un authentique classicisme,
Une autre voie vers
l’universel.
Nous avons appris à admirer de telles œuvres.
Je ne suis pas sûr que nous sachions encore pleinement les voir.
Si vous avez envie de poursuivre l’exploration, je vous suggère trois
pistes :
un aperçu sur l’Inde des
Gupta sur Wikipedia l’encyclopédie gratuite en ligne et en français.
un tour d’horizon en images
de l’exposition sur L’Internaute.fr
« Gupta, une leçon de vie »
L’éclairage de François Le Brun, envoyé spécial des Echos en Inde, sur cette exposition.
Ce billet entre en résonnance avec ma propre sensibilité.
D'autant mieux qu'il est écrit avec une excellente connaissance de notre très belle langue. Je suis toujours ravie de lire du très bon français, qui profite de la large palette de son vocabulaire et de ses possibilités stylistiques pour exprimer de la profondeur et de la subtilité. C'est pour moi un régal de lectrice.
Je suis bien consciente, qu'à notre époque où le langage "courant" est relativement pauvre, cette écriture demande beaucoup de travail pour parvenir à cette qualité. On n'a plus guère l'occasion de se hisser à ce niveau puisque la quasi-totalité des écrits professionnels que l'on produit doivent l'être rapidement et ne nécessitent pas ce niveau de français. C'est un net gain de temps (souvent précieux) mais une grande perte pour les gourmets.
Rédigé par : Dom | 31 août 2007 à 21:03