« La propreté de notre linge et l’abondance que
nous en avons valent mieux que tous les bains du monde » écrivait Charles
Perrault*, plus connu pour ses contes, à l'époque de Louis XIV. C’était le
règne de la « toilette sèche » : à son lever, le Roi soleil lui-même ne se
lavait pas le visage le matin. Frotter son visage avec un linge était de
rigueur. Pour les parties cachées du corps, changer souvent de linge suffisait.
Pour les contemporains, le linge prouvait l’originalité des modernes, leur
propreté témoin de leur raffinement. Alors pourquoi aménager des bains dans les
demeures des grands et des rois ? La prestigieuse baignoire de marbre que Louis
XIV avait fait installer sera reconvertie en bassin de jardin.
Se pourrait-il que les aristocrates du grand siècle aient été indifférents à la propreté ? Au contraire, au 17e siècle, la propreté devient un verdict social, un signe d’apparence distinguée, et même de distinction tout court ! Mais il s’agit avant tout de netteté des apparences et du linge. Et la bonne odeur est affaire de parfum.
Car depuis la fin du Moyen-Age, les Occidentaux
craignent de plus en plus l’eau. Ils sont persuadés que l’eau chaude en
particulier pénètre dans le corps, fragilise les organes. Les médecins
multiplient les mises en garde contre les bains : « Le bain hors l’usage de
la médecine (…) est non seulement superflu mais très dommageable aux
hommes. » (Théophile Renaudot 1635). Un matin de mai 1610, Henri IV réclame
Sully mais son émissaire trouve le ministre en train de se baigner. Cet imprévu
bouleverse tout et provoque un nouveau message « le roi vous mande que vous
acheviez de vous baigner et vous défend de sortir aujourd’hui car M. Du Laurens
- médecin du roi – lui a assuré que cela préjudicierait à votre santé. »
Pour échapper aux multiples dangers de l’eau, à la Renaissance au 16e siècle, les aristocrates inventeront la « toilette sèche » et se mettront à renouveler régulièrement leur linge de corps, cette « chemise » ancêtre des « chemises de nuit » : le renouvellement du blanc efface la crasse, pense-t-on…
En fait, il faudra attendre le 19e siècle pour que l’invention de « l’hygiène » redonne à l’eau le premier rôle dans la propreté, par son action de décrassage, amplifiée par l’usage du savon. Au même moment, les égouts seront construits pour améliorer l’hygiène urbaine. Toute cette histoire est subtilement traquée, illustrée et racontée de manière vivante par Georges Vigarello dans son livre « Le propre et le sale – l’hygiène du corps depuis le Moyen-Age », paru au Seuil en 1985. La « toilette sèche » paraît bien loin aujourd’hui, en tout cas de notre vocabulaire. Récemment encore en France, moins de 40% des hommes déclaraient prendre une douche par jour. Changement de vêtements et parfums continuent certainement à sauver apparences et odeurs.
Si vous avez envie de poursuivre l'exploration de ces thématiques sur internet, je vous suggère deux articles de l'encyclopédie en ligne Wikipedia, gratuite et en français :
* C. Perrault, La Querelle des anciens et
des modernes en ce qui regarde les arts et les sciences, Paris, 1688, p.80
Contrairement à ce qu'on croit souvent, le Moyen-Age était une période plus évoluée (dans notre sens actuel) que les siècles suivants, du point de vue du statut de la femme, du droit, de la médecine...
Régine Pernoud a écrit un livre passionnant à ce sujet : Pour en finir avec le Moyen Age (Point Histoire - Seuil). J'avais déjà lu pas mal de livres ou d'articles sur cette période et elle m'a quand même appris beaucoup. C'est un livre d'historienne qui se lit comme un roman.
Pour approcher le quotidien du Moyen Age de près, à tous points de vue, il y a la série de livres policier de L. C. Grace (un historien) qui se situe au Moyen Age anglais, à Coventry. L'héroïne en est une femme, médecin et apothicaire. Vraie leçon sociologique et historique.
Tous ses livres sont en 10/18 et je conseille de les lire dans l'ordre. Vous en trouverez la liste sur www.bibliopoche.com, le site qui référencie tous les livres parus en poche.
Rédigé par : Dom | 30 août 2007 à 12:37