« Jérôme, je sais que vous
vous investissez beaucoup dans Eurotunnel News.
Mais ne vous faites pas
d’illusions !
Nous le savons tous :
un magazine interne, personne ne le lit ! »
La directrice de la communication vient de m'envoyer une provocation calculée. En ce début
de 1993, Eurotunnel est à quelques mois de lancer la délicate mise en service
du Tunnel sous la Manche. L’embauche des équipes d’exploitation s’amorce.
Depuis un an déjà, un magazine interne bilingue et en couleur a été créé pour
renforcer la cohésion des équipes franco-britanniques et l’esprit d’entreprise
: Eurotunnel News. J’y consacre tous mes efforts : négocier des sujets, collaborer avec
des collègues britanniques et français, rédiger et demander des articles et
leurs résumés dans l’autre langue (au cinquième, pas plus !), des
vocabulaires en marge des textes, commander des photos et illustrations,
réaliser des reportages, relire chaque article en français… Je poursuis avec
énergie l’ambition que notre « ET News » soit au final le plus
informatif et le plus attrayant possible. Cela ne va pas sans stress ni
incidents. Une exigence qui gonfle la pagination et les coûts et oblige à
réduire la cadence de parution, ce qui suscite des critiques.
Au bout
d’un an et quatre numéros, la directrice de la communication a décidé
d’organiser une enquête, pour consulter l’ensemble du personnel sur le magazine
interne. Cela permettra de faire le point et d'ajuster si
nécessaire... Si les résultats sont décevants, ce à quoi elle s’attend, je vais
tomber de haut. Elle préfère me prévenir.
Les
résultats tombent un mois plus tard.
La moitié
du personnel, français comme britannique, a répondu à l’enquête. Parmi eux, 95%
le lisent, les proches également dans les trois quarts des cas. Et 90% environ
gardent les numéros !
Pourquoi
ce succès plus inattendu que surprenant ?
D’abord ce
magazine répondait à une attente. Les salariés d’Eurotunnel y étaient entrés le
plus souvent par attrait pour un grand projet qui traversait des incertitudes
et des tempêtes médiatiques déstabilisantes. Ils étaient désireux
d’informations valorisantes pour leur entreprise et leur travail.
L’équipe
franco-britannique qui l’a conçu et écrit avait, sans le dire explicitement,
l’objectif commun qu’Eurotunnel News soit une référence de qualité – de
conception, de contenu, de textes et visuellement.
Les
rédacteurs croyaient à leur sujet et à son intérêt pour les destinataires.
Une autre
valorisation, encore plus inattendue, suivra bientôt : le 14 octobre 1993,
Publishing et Popular Communication a déclaré Eurotunnel News magazine interne
de l’année. Une reconnaissance de la dimension franco-britannique d’une
publication produite par la direction de la communication côté français !
Sur le
moment, tout cela ne m’a pas servi – j’ai perdu la coordination du magazine dès
juin 1993.
Mais il
m’en est resté la conviction que si l’on sait écouter et valoriser honnêtement
des personnes, un service, une entreprise, on peut faire de la
« communication interne » de qualité. Et rencontrer beaucoup plus de
réceptivité et d’intérêt qu’on s’y serait attendu.
J’y vois
la noblesse à laquelle peut aspirer la communication interne. Dans ce cas-là, je trouve qu'elle n’a pas à rougir de la comparaison avec les médias
classiques, grand public comme professionnels. Car je dois dire qu'à côté de la réactivité et du sens de l'événement, j'y vois trop souvent le goût pour l'indépendance servir de caution au sensationnel hâtif et à la complaisance paresseuse.
Ce succès ne m'étonne pas du tout, vu ton sérieux, ta capacité d'investissement, la qualité de tes écrits, tes idées et regards originaux, ta sensibilité...
C'est tout ce que je perçois dans les lignes que je lis de temps en temps dans ton blog.
Bonne écriture!
Et je te souhaite une vrai reconnaissance!!
Rédigé par : charlotte | 06 juillet 2008 à 00:50