Nazneen doit soudainement quitter son village natal du
Bangla Desh pour l’Angleterre, emportant avec elle la nostalgie de
l’insouciance de ses jeux d’enfants dans les rizières, et l’attachement à sa
sœur restée elle au pays, avec qui les liens épistolaires ne se relâcheront
jamais.
Son mariage a été arrangé
avec un homme bien plus âgé. Nous les retrouvons 16 ans plus tard, à la fin des
années 1990, dans un appartement de Brick Lane, dans la banlieue de Londres,
alors que leurs deux filles abordent l’adolescence. Le mari est « éduqué » au sens anglais. Un balourd
sentencieux imbu de sa culture livresque, sans méchanceté mais sans finesse ni
savoir vivre.
Tout le contraire de Nazneen, discrètement resplendissante
en saris colorés tranchant sur la grisaille rougeâtre de « Brick
Lane » quand discrète plus qu’effacée, elle sort pour ses courses.
Cantonnée jusque là dans son rôle traditionnel d’épouse fidèle et dévouée, de
mère aimante et attentive. elle traverse avec résignation mais sans aigreur ses
journées monotones, en rêvant de repartir un jour au Bangla Desh. La vivacité
et l’élégance naturelle de son allure, ses grands yeux expressifs trahissent la
petite fille spontanée et joueuse qu’elle fut jadis. Mais émanent aussi d’elle
une délicatesse d’âme, une qualité de présence rare.
C’est alors que des difficultés familiales puis la bouffée
de xénophonie anti-musulmane qu’a déclenchée le 11 septembre dans leur quartier bouleversent sa vie. En traversant ces vicissitudes, Nazneen s’anime petit à
petit. Sous nos yeux elle s’ouvre, apprend à agir, vivre ses sentiments, lever
les yeux, oser enfin parler. Jusqu’à dire finalement, avec une douceur déterminée, « non » à son amoureux. Jusqu’à céder aux
supplications de sa fille aînée, en découvrant que désormais sa place est là,
en Angleterre, et en osant dire finalement « non » à son mari qui veut retourner
au pays. Jusqu’à retrouver ici dans la neige avec ses enfants, le plaisir des
jeux qui ont illuminé son enfance. Dans son village dont elle a compris et accepté
enfin qu’elle ne le retrouvera plus.
Une histoire somme toute banale, « politiquement
correcte » même ?
Sauf que je la sens juste, tissée avec la même délicatesse
que j’ai admirée chez son héroïne.
Sauf que je trouve chez tous les personnages de la densité
humaine, aucun n’est un simple repoussoir, aucun ne se résume à un cliché.
Sauf, enfin, que j’ai eu l'impression, à travers le
personnage de Nazneen, de goûter à ce que la civilisation indienne peut offrir
de meilleur.
Derrière les profusions lassantes de parures et bijoux, le
chatoiement des vêtements comme quand l’adolescente part en bateau se marier,
j’ai vu dans le raffinement indien un écrin à la délicatesse élégante, la
fluidité impressionnante des postures, des mouvements, du visage. Et je me suis
rappelé que dans cette culture où le corps n’est pas fétichisé, jusque sur les
bûchers funéraires, les mères se conforment à une tradition séculaire en
massant et dorlotant amoureusement les tout petits. Et les enfants sont laissés
très libres pendant plusieurs années. Si un corset social qui s’abat ensuite
sur les filles, il ne réussit souvent pas à étouffer cette grâce, cette
fraîcheur, cette beauté préparée au tout début de la vie. Je n’en dirais pas
autant dans notre civilisation où le bébé fut si longtemps emmailloté et où,
après plus de dix années d’ « éducation nationale », des jeunes
filles peuvent ignorer qu’il est vital pour leur bébé qu’elles lui parlent.
L’humilité inculquée traditionnellement aux femmes dans la
culture indienne est montrée dans ce film. J’y ai vu aussi l’espoir que le
dévouement, le sens du service puissent cultiver la qualité humaine, et s'harmoniser
finalement avec l’épanouissement de la personnalité, l’aptitude à choisir sa vie.
Rien de spectaculaire, il est vrai, tout comme certaines
musiques sobres et légères qui éveillent néanmoins des résonances d'une profondeur qui me
surprend et m’émerveille.
« Rendez-vous à Brick Lane » est un film
britannique de 1h37 de Sarah Gavron,
sorti en 2007, dont le titre original, sobre, est « Brick Lane ».
Rendez-vous à Brick Lane
est tiré du premier roman de Monica Ali, auteur britannique d'origine
bengale. Parue sous le titre français de Sept mers et treize rivières, la
nouvelle, traduite dans une quinzaine de langues, remporta de nombreux prix
littéraires. Il est tiré de la nouvelle de Monica Ali, auteur britannique
d’origine bengale. Rendez-vous à Brick Lane, premier long-métrage de Sarah
Gavron, a été récompensé par le Prix du Meilleur scénario et le Prix du Public
lors de l'édition 2007 du Festival du Film Britannique de Dinard. (informations
du site www.allocine.fr)
Les photos sont les photos officielles du film, tirés du même site