« Un oiseau se pose sur le mur sur la cour d’enfance et je ne m’en remets pas. Je ne me remets pas de cette vision et c’est ce que j’essaye de faire revenir sur la page. J’essaye que sur le petit muret de papier blanc se repose un rouge-gorge de l’enfance. C’est un pauvre essai de faire revenir les miracles auxquels j’ai assisté dans mon enfance, les miracles très ordinaires et irrévélés… »
L’écrivain Christian Robin m’était inconnu. Ses paroles à
l’émission For intérieur sur France Culture du 25 novembre 2007 m’ont
immédiatement touché de limpidité brûlante, j’en ai noté onze pages.
Car je suis un habitué du rendez-vous radiophonique
d’Olivier Germain-Thomas, une heure chaque dimanche. Le maître de céans reçoit
artistes, écrivains, hommes de science ou de religion, presque tous auteurs.
D’une politesse avenante, un rien cérémonieuse, il présente à chaque invité le
même type de menu : « votre enfance… » « votre vocation… »
« les influences qui ont compté pour vous… » avant d’aborder les
œuvres qu’il a lues attentivement. En revanche, d’épanchements complaisants, de
concession à la mode, nulle trace, plutôt un zeste d’austérité, un goût de la langue où point parfois la tentation du purisme.
Mais la qualité du dialogue que suscite Olivier
Germain-Thomas m’a très vite convaincu. Il ne s’agit pas de chercher à faire
dévoiler à l’invité quelque facette cachée, mais à l’amener à s’exprimer en
profondeur.
Jean-Marie Barnaud, écrivain et longtemps professeur de
lettres : « il faut de la naïveté pour écrire », Olivier
Germain-Thomas objecte « Oui, mais un enseignant ne peut pas garder
trop de naïveté ? ». L’invité répond : « Je crois
que si, je crois que les bons enseignants, si je peux émettre ce jugement, sont
à la fois ces gens qui ont conservé cette naïveté et surtout, peut-être qui ont
conservé une part de fragilité. Je crois que ce qui fait l’humanité d’un
enseignant, ce qui lui permet d’avoir une parole qui porte, c’est qu’il n’est
pas recouvert d’une armure et qu’il admet qu’il puisse être fragile. Et qui ne
sacralise pas non plus la littérature. » (15 juillet 2007)
A Claude Bugeon artiste passionné de l’île d’Yeu, au mode
de vie frugal, son hôte remarque : « le flot des touristes et l’argent
qui se déverse sur cette île va à l’encontre de votre éthique… ».
Vais-je réentendre la sempiternelle plainte anti-touristes ? « Oh
non, pas du tout… Ça ne me dérange pas.
J’y suis allé, je ne vois pas pourquoi il n’iraient pas, même pendant leurs
vacances, même s’ils cassent tout… Le
problème n’est pas là je pense. » Je tends l’oreille. « Je ne
crois pas au partage, moi, je crois à l’échange. Le partage a toujours une
donnée un peu de partage équitable, Et bon… c’est un peu pipé. L’échange, c’est
quelque chose d’aléatoire, Et comme tout ce qui est aléatoire me ravit… »
(17 février 2008)
Deux contre-pieds provoqués et appréciés, je crois presque entendre un
sourire ravi du questionneur. Deux surprises qui me font sursauter :
« Hein ?? quoi ?? Mais c’est passionnant !! » Les
alouettes rôties ne tombent pas du ciel dit-on. Eh bien, une pépite vient de
m’atterrir dans l’assiette ! Je saute sur le stylo et la feuille préparés
d’avance, j’écarte mon repas d’un geste et je me mets fiévreusement à noter.
J’ai pris mes précautions : je n’écoute jamais l’émission qu’enregistrée,
m’économisant panique et frustration. Parfois même, les diamants tombent si
drus à mon goût que je demande grâce, choisissant de remettre la suite au
lendemain.
Je trouve qu’Olivier Germain-Thomas sait à la fois mettre
en confiance ses invités, et les amener à se raconter et à se révéler en
réponse à ses provocations mesurées. « Surprenez-moi ! » demandait un
metteur en scène célèbre à ses comédiens. Aucune sans doute des émissions que
j’écoute régulièrement ne m’a ouvert avec autant de constance des horizons
nouveaux le plus souvent grâce à des inconnus de moi.
Un cadeau d’autant plus précieux qu’il est offert à tous.
Le site de l'émission For Intérieur donne accès non seulement au programme mais à la possibilité de réécouter l'émission pendant un mois ou, pendant une semaine de le "balado-diffuser" comme dit Olivier Germain-Thomas - qui ne sent pas une âme d'académicien parlera plus simplement de podcast.