Voici une urne funéraire d’un peuple ancien de l’île de Marajó en Amazonie.
Rien de solennel, de triste, de funèbre.
Ni de léger.
Ça et là, je crois deviner
des yeux, des bouches, des visages
Mais ni lieu, ni être, ni objet
n’émergent.
Il n’y a pas d’énigme à déchiffrer.
Je ne vois que mouvement et ondulation,
Rien de ferme, de minéral
à quoi s’accrocher.
Sans que je me sente perdu.
Aucune marge, aucun vide
Ni sentiment d’étouffement.
Le tracé, la netteté de ces lignes,
ces bandes noires, ces figures,
L’harmonie d’ensemble de ce foisonnement étrange
M’impressionnent.
Je plonge dans un univers inattendu,
Déconcertant.
Qui pourtant prend très vite l’air familier
de l’étranger qu’on croise un jour
Et dont la présence insolite
donne une saveur nouvelle au silence.
Plus je regarde cette urne,
plus j’y sens, oui…
Une présence
Qui ne me veut rien,
ne me demande rien.
Mais qui m’ouvre à un ailleurs.
A une vie si loin de moi,
si loin de nous.
que je la sens réveiller
quelque chose au fond de moi.
Arts primitifs, arts premiers ?
Que ces mots me paraissent dérisoires
face à la plénitude bouleversante de cet art,
d’une culture amazonienne depuis longtemps disparue.
Cette vibration qui a traversé tant
d’océans et de siècles,
jusqu’à m’atteindre à Paris un beau jour de 2005.
J. Spick, novembre 2007
Cette urne fait partie des traces d’une société précolombienne de la grande île de Marajó, à l’embouchure de l’Amazone. Elle a été présentée à Paris, à l’exposition « Brésil indien, les arts des Amérindiens du Brésil » aux Galeries nationales du Grand Palais, du 21 mars au 27 juin 2005. Elle est reproduite à la page 174 du catalogue de l’exposition qui la référence ainsi : « Urne funéraire (cat. 23) Tradition polychrome, phase marajoara (400-1400 apr. J.-C.), île de Marajó, Instituto Cultural Banco Santos, São Paulo »